Comment les villes luttent-elles contre les fuites d’eau ?

Avec une estimation à 1000 milliards de m3 au plan mondial dont un milliard rien qu’en France (2014), les fuites d’eau constituent un problème majeur pour les services de gestion de l’eau. Et ce d’autant plus, qu’ils impactent directement les prélèvements dans le milieu naturel, les économies d’énergie et le budget dépensé par le consommateur en fin de chaîne.

Depuis 2010, les autorités en ont fait une affaire personnelle par la promotion de la loi 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour la protection de l’environnement (loi Grenelle 2). Que peut-on retenir des dispositions de cette loi ? Dix ans plus tard, où en sommes-nous dans son implémentation par les collectivités locales ? Quelles sont les mesures mises en place par le gouvernement pour accompagner lesdites collectivités ? Réponses dans cet article.

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Loi Grenelle 2 dans la lutte contre les fuites d’eau : l’essentiel à retenir ?

La loi Grenelle 2 a fixé aux services de distribution d’eau potable, l’obligation de réaliser un descriptif détaillé de leur réseau de distribution. Elle a également fixé un objectif de performance permettant de mesurer l’efficacité desdits réseaux.

Descriptif détaillé des réseaux de distribution

Le descriptif, à réaliser par les services de distribution d’eau potable, est constitué

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  • De
    la catégorisation de l’ouvrage au regard des dispositions de
    l’article R.554-2
    du code de l’environnement
  • Du
    plan des réseaux avec localisation des dispositifs généraux de
    mesure
  • De
    la mention de l’année ou le cas échéant, de la période de pose
  • De
    l’inventaire des réseaux incluant la mention des linéaires de
    canalisations
  • Des
    informations cartographiques
  • Et
    des informations disponibles sur les diamètres des canalisations et
    des matériaux employés
  • De
    la lutte
    contre les fuites d’eau sur réseau AEP

Pour que le descriptif, ainsi élaboré soit validé ou accepté, il doit obtenir une note minimale de 40/120 pour l’ICGP (Indice de connaissance et de Gestion patrimoniale des réseaux d’eau potable).

Calcul de l’indice de performance

L’indice de performance se base sur le rendement du réseau (R) obtenu par la formule suivante :

R= (Volume vendu + Volume consommé autorisé) / (Volume produit + Volume acheté)

Le résultat obtenu se doit d’être supérieur ou égal au plus petit des deux seuils suivants :

R1=R0 + ILC/500 (Avec ILC correspondant à l’Indice Linéaire de Consommation)

R2=85%

L’indicateur R0 est un terme fixe dont la valeur peut être de 65 ou 70% :

  • 70%
    lorsque le service de distribution d’eau opère des prélèvements
    supérieurs à 2
    millions de m
    3/an
    sur
    les ressources soumises à des règles de répartition.
  • 65%
    dans les autres cas

L’ILC est quant à lui, calculée par la formule suivante :

ILC=(Volume consommé autorisé + Volume vendu)/(Longueur du réseau de désserte x 365)

Si donc, un service ne parvient pas à satisfaire les exigences de cet indicateur de performance, on conclut que son réseau de distribution n’est pas/plus fiable. Il nécessiterait donc des travaux de rénovation ou de réparation.

Le service de distribution concerné écope alors d’une sanction de doublement de son taux de redevance pour prélèvement en eau. Il se retrouve aussi, dans l’obligation d’élaborer et de mettre en œuvre, un plan d’action de correction des failles de son réseau de distribution. Ledit plan devra comprendre un projet de programme pluriannuel de travaux d’amélioration du réseau.

De la théorie à la pratique : où en sommes-nous dans cette implémentation ?

Dans la pratique, de nombreuses collectivités se sont rendus compte de l’état défaillant de leur réseau de distribution. Des plans d’actions sont donc élaborés et mis en œuvre depuis 2010 par les services de gestion d’eau de ces collectivités. Les mesures mises en place varient d’une collectivité à une autre, en fonction de l’état du réseau de distribution. On pourrait tout de même, citer quelques mesures implémentées par la grande majorité des collectivités. Des mesures telles que :

  • Le
    dispositif
    EAR

    déployé dans toute la France par le groupe SAUR
    (
    gérant
    délégué de plus de 6700 services d’eau et assainissement).
    C’est un dispositif comprenant des capteurs à membrane
    hydrophobes. Ces capteurs captent et traduisent sous forme d’ondes,
    les bruits spécifiques relatifs aux fuites d’eau. Ce qui permet
    un pilotage intelligent des infrastructures d’eau et une détection
    plus rapide des fuites.
  • La
    mise en place de mini-stations d’épuration
    qui
    permet de réduire le trajet parcouru par l’eau entre le centre
    d’épuration et le consommateur final. Une solution plus
    économique et plus écologique qu’un raccordement direct au
    réseau général d’assainissement. En réduisant ainsi le
    dimensionnement de l’eau, on réduit non seulement les risques de
    fuites, mais aussi ceux de la pollution de l’eau.
  • Les
    technologies de réutilisation des eaux usées
    comme
    par exemple, la technologie BIO-Solar
    Purification (BSP).
    Elle
    permet de réutiliser ou de recycler intégralement les eaux usées
    en éliminant les substances et microorganismes dangereux pour
    l’homme et l’environnement.
  • Etc.

Lutte contre les fuites d’eau : une question de moyens avant tout

Des mesures louables, mais qui restent couteuses dans leur mise en place. Si les grandes villes comme Paris ont les moyens de leurs politiques, ce n’est pas toujours le cas avec les petites collectivités. En 2018, le premier ministre Edouard Philippe avait parlé d’un plan d’accompagnement des collectivités dans cette démarche. 3 principaux points avaient été mis en avant dans ce plan. Il s’agissait :

  • D’une
    augmentation de 50% sur les aides existantes
    pour
    faciliter la rénovation des réseaux d’eau et pour mieux les
    flécher vers les territoires ruraux.
  • La
    facilitation de l’accès aux emprunts pour les collectivités :

    Ceci grâce à la Caisse des Dépôts qui avait été chargé de
    débloquer une enveloppe de 2
    milliards d’euros (entre 2019 et 2024).

    Les collectivités ont ainsi accès à des prêts sur de longues
    durées (jusqu’à 60 ans) avec des taux attractifs.
  • L’allocation
    d’un budget de 50 millions d’euros par an

    dévolu à la recherche et au développement des nouvelles
    politiques d’organisation

Les collectivités avaient accueilli ces mesures de façon salutaire tout en attirant l’attention de l’exécutif sur un point important. Il faudra tenir compte des disparités liées aux besoins et moyens de bord relatifs à chaque collectivité.

La technologie au service de la lutte contre les fuites d’eau : quelles innovations ?

La technologie au service de la lutte contre les fuites d’eau : quelles innovations ?

Si les mesures prises pour limiter les perturbations liées aux fuites d’eau sont importantes, il est indéniable que l’apport de nouvelles technologies pourrait aider à améliorer encore davantage la situation.

De nombreuses villes ont déjà commencé à utiliser des technologies innovantes telles que :

  • Des capteurs intelligents : ces derniers permettent de détecter rapidement tout problème dans le réseau de distribution d’eau et ainsi éviter une perte importante en eau.
  • L’analyse prédictive : elle permet aussi aux services municipaux de déterminer quand un certain type d’équipement critique risque de tomber en panne ou nécessite une maintenance proactive.
  • L’intelligence artificielle (IA) : peut être utilisée pour analyser différents paramètres tels que la pression, le taux d’écoulement et autres. Ces données peuvent ensuite être utilisées pour optimiser l’utilisation du réseau et réduire les perturbations dues aux fuites.

Dans cette optique, plusieurs entreprises ont développé des solutions qui font appel à une combinaison de ces technologies. La société française Sensoneo, par exemple, propose un système complet qui intègre des capteurs intelligents placés sur chaque vanne et hydromètre du réseau. Les données collectées sont transmises en temps réel via Internet of Things (IoT) à un centre de commande centralisé où elles sont analysées par l’IA. Cela permet de détecter rapidement toute perte d’eau et d’en informer les responsables locaux pour une intervention rapide.

Un autre exemple est la solution proposée par Leakbot, une entreprise britannique qui a développé un petit boîtier intelligent qui peut être facilement installé sur le compteur d’eau résidentiel. Ce dernier utilise des capteurs pour surveiller en permanence l’utilisation de l’eau dans la maison et alerter immédiatement les propriétaires s’il y a une fuite.

Ces solutions technologiques peuvent aider les villes à réduire considérablement leurs perturbations liées aux fuites d’eau tout en améliorant leur communication avec les citoyens. Elles représentent aussi un investissement rentable car elles permettent aux collectivités locales de réaliser des économies importantes sur le long terme.

Sensibiliser les citoyens à la préservation de l’eau : quels sont les enjeux ?

Sensibiliser les citoyens à la préservation de l’eau : quels sont les enjeux ?

Si les technologies peuvent aider à limiter les perturbations liées aux fuites d’eau, pensez bien aux enjeux de la préservation de cette ressource vitale.

Effectivement, malgré une prise de conscience croissante quant à l’importance de préserver l’eau, beaucoup ne mesurent pas encore tous les enjeux et continuent, par exemple, d’utiliser cette ressource sans discernement.

Pour remédier à cela, plusieurs villes ont opté pour une approche pédagogique visant à sensibiliser leur population sur l’importance économique et environnementale du gaspillage d’eau. Cette démarche se traduit notamment par :

  • Une communication ciblée : Les services municipaux peuvent communiquer via des supports variés comme des campagnes publicitaires ou encore via internet pour encourager leurs citoyens à adopter un comportement responsable face aux gaspillages excessifs.
  • L’utilisation éducative : Des ateliers pratiques dans certains cas ont été mis en place, notamment dans les écoles, pour initier dès le jeune âge sur le concept d’utilisation responsable et durable.

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